Un tremplin pour valoriser les métiers de l’agriculture
17 juillet 2024Maigre moisson !
24 juillet 2024Interview d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.
Suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, les Français ont été appelés aux urnes. Comme l’avait souhaité le chef de l’État, ils se sont prononcés. Avez-vous un commentaire à faire sur le résultat des élections des 30 juin et 7 juillet ?
Arnaud Rousseau : La bonne nouvelle concerne la mobilisation de l’ensemble des Françaises et des Français qui se sont rendus aux urnes. Cependant le constat est clair. Il n’y a pas de majorité parlementaire et trois grands blocs se dégagent aujourd’hui. Pour autant, l’urgence des questions agricoles demeure. À la FNSEA, nous restons focalisés sur nos demandes de dignité, de compétitivité et de simplification auprès du gouvernement. Or ce dernier n’a pas concrètement répondu à ces attentes malgré de nombreuses annonces. L’objectif de la FNSEA, toujours transparente et constante, est de parvenir à des solutions concrètes. Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition de corps intermédiaire responsable pour tenir cette ambition.
Le choix très partagé des Français ouvre une période d’instabilité politique mais aussi juridique. Craignez-vous que l’agriculture française passe au second plan voire à l’arrière-plan des préoccupations des politiques et du pays ?
A.R. : Les questions agricoles ont été abordées lors de la campagne pour les élections européennes avant de disparaître des écrans radars pendant celle des législatives. L’annonce de la dissolution a mis un coup d’arrêt instantané aux travaux législatifs en cours sur les sujets agricoles et nous ne voyons toujours pas à cette heure un mouvement s’engager pour les remettre dans les priorités du débat public. La question européenne, elle-même, est passée au second plan, alors qu’elle reste fondamentale dans la gouvernance politique française. C’est à travers elle que convergent nombre de dossiers et se décide une partie de la politique française : budget, directives, accords internationaux et bilatéraux, … N’oublions pas que l’immense majorité des textes votés à l’Assemblée nationale proviennent de Bruxelles pour être transposés dans notre droit français.
En quoi la FNSEA et Jeunes agriculteurs peuvent-ils agir concrètement pour faire revenir l’agriculture au 1er plan ?
A.R. : Pour agir, il faut des idées claires. La FNSEA et Jeunes Agriculteurs ont un projet simple, clair, efficace qui tient en quelques thèmes : dignité de revenus, compétitivité des INTERVIEW d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. « Il importe que les engagements pris soient tenus » exploitations, simplification du cadre d’exercice de notre métier et renouvellement des générations. C’est d’ailleurs l’esprit du projet de loi d’orientation agricole qui a été validé par les députés fi n mai. Mais avoir un cadre clair ne suffit pas. Encore faut-il des interlocuteurs. À l’heure où nous parlons, nous n’en avons pas. La Commission de Bruxelles doit être installée ce jeudi 18 juillet, (le même jour que l’ouverture de la session parlementaire au Palais-Bourbon, ndlr) et en France, le gouvernement gère les affaires courantes. Dans cette situation d’instabilité, la FNSEA et Jeunes Agriculteurs restent des corps intermédiaires solides, fi ables et de réels éléments de stabilité.
Avez-vous planifié des rencontres avec les nouveaux députés pour porter les 27 revendications que vous aviez émises avant le scrutin des 30 juin et 7 juillet ?
A.R. : Nos syndicaux locaux sont allés à la rencontre des candidats avant le premier tour et entre les deux tours pour leur porter notre projet. Il faut désormais attendre la constitution des groupes parlementaires et les commissions, notamment celle des Affaires économiques plus spécifiquement compétente sur les questions agricoles pour connaître nos futurs interlocuteurs. La session parlementaire s’ouvre le 18 juillet. Nous serons très attentifs à la mise en place de ces groupes et de ces commissions.
Il est probable qu’un nouveau gouvernement émerge dans les prochaines semaines. Selon vous, quel devrait être le profil du nouveau ministre de l’Agriculture ?
A.R. : Ce n’est pas tant une question de profil que d’efficacité qui compte. Le ministre devra être à l’écoute, comprendre les enjeux français, européens et mondiaux, et savoir bien appliquer les mesures à mettre en œuvre. Surtout, il doit avoir une vraie vision pour l’avenir. Une vision qu’il devra partager avec l’ensemble du monde agricole, à commencer par la FNSEA et Jeunes Agriculteurs pour promouvoir le goût d’entreprendre, pour favoriser la création de valeur, pour porter l’ambition d’une agriculture forte et souveraine. Le ministre devra surtout dire ce qu’il fait et faire ce qu’il dit.
De quelles priorités ce ministre devrait-il se saisir ?
A.R. : Une très forte attente est née des revendications qui se sont exprimées entre octobre 2023 et mars 2024. Le climat s’est quelque peu terni depuis avec des conditions météorologiques peu favorables au monde agricole. Les premiers échos de la moisson restent décevants. L’exaspération sinon la colère n’est pas retombée. Le calme n’est qu’apparent. Au moment où la défiance dans la parole publique se fait de plus en plus sentir, il importe que les engagements pris soient tenus. C’est notamment le cas pour le projet de loi d’orientation agricole et bien d’autres textes en attente de décisions.
Si vous deviez ne pas être écouté ou si les dossiers agricoles devaient ne pas être traités en temps et en heure, seriez-vous prêt et appelleriez-vous à redescendre dans la rue ?
A.R. : Ce n’est pas le moment d’ajouter de la confusion à la perturbation ambiante. La FNSEA a été et reste un syndicat responsable. Dans ce moment de tensions, personne n’a intérêt à jouer de la surenchère ou de la défiance vis-à-vis du monde agricole. Et que ceux qui veulent jouer sur nos hypo- thétiques divisions se rappellent notre union solide et efficace qui perdure depuis plus de 70 ans : nous sommes un corps intermédiaire crédible, sur qui on peut compter, quels que soient les défis. En revanche, nous attendons des résultats et s’il est nécessaire de se mobiliser sur le terrain, nous le ferons.
Propos recueillis par Christophe Soulard, le 11 juillet 2024