
Nouvelle rencontre avec Monsieur le Préfet
19 juin 2025Après l’instauration de taxes antidumping sur l’engrais azoté liquide en 2019 et la flambée des prix due à la guerre en Ukraine en 2022, les producteurs de grandes cultures vont faire face à une nouvelle onde de choc le 1er juillet 2025 : l’instauration de droits de douane additionnels sur les engrais azotés russes et biélorusses. Cette décision, prise au nom de la stratégie géopolitique européenne, a déjà engendré des hausses de prix et risque de faire exploser les charges des exploitations agricoles, déjà fragilisées par des prix de vente qui ne couvrent plus les coûts de production.
Nous alertons depuis des mois sur les conséquences de cette politique. La Russie, qu’on le veuille ou non, servait de référence tarifaire pour l’ensemble du marché. En bloquant ses importations, c’est toute la structure des prix qui est impactée. Les hausses inévitables des prix sont insoutenables pour nos exploitations. Et ce ne sont pas les 4 à 9 €/t d’impact estimés par certaines études qui reflètent la réalité du terrain : les prix ont déjà bondi de 10 % à l’annonce du projet, et pourraient encore grimper de 40 €/t dans les mois à venir.
Nous ne contestons pas la nécessité de renforcer notre autonomie stratégique ou de sanctionner la Russie. Mais cela ne peut se faire au détriment de la compétitivité de nos fermes. Les producteurs européens d’engrais, qui se réjouissent de ces mesures, oublient que leur production reste largement dépendante du gaz russe. Et que leur capacité à couvrir les besoins du marché européen est loin d’être garantie à court terme.
Face à cette situation, l’AGPB est mobilisée autour de solutions que nous proposons aux pouvoirs publics, aussi bien à Paris qu’à Bruxelles : la suppression immédiate des droits de douane sur les engrais en provenance de pays tiers (Trinité-et-Tobago, USA…), pour diversifier nos approvisionnements ; une mise en œuvre rapide et concrète des mesures de sauvegarde promises par la Commission européenne ; une véritable stratégie européenne de souveraineté agricole qui reconnaît le rôle stratégique des céréales et en premier lieu du blé, utilisé comme arme alimentaire par la même Russie ; une approche globale et cohérente, le sujet des engrais faisant partie des nombreux dossiers en cours de discussion : risque explosif, contamination au cadmium, mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, taxation anti-dumping, prix de l’énergie dans l’Union européenne…
Désormais, les engrais représentent la première charge opérationnelle des exploitations de grandes cultures. Sans visibilité, sans soutien, sans alternatives crédibles, c’est toute la production céréalière européenne qui est en danger. Nous attendons avec impatience le véritable Plan de souveraineté engrais, annoncé par le ministre de l’Agriculture depuis décembre 2022… mais les industriels en ont-ils réellement la volonté ?
Cédric BENOIST, Secrétaire Général adjoint de l’AGPB, Président du Groupe de travail Céréales du COPA COGECA, Membre de l’Observatoire européen du prix des engrais
Pour peser dans les décisions, à Paris ou à Bruxelles (notamment par la participation de l’AGPB à l’observatoire européen des prix des engrais), nous lançons une enquête directe auprès des agriculteurs français. Aidez-nous à argumenter pour obtenir des avancées en répondant à un questionnaire accessible avec le QR code suivant :